La Division des archives des victimes des conflits contemporains

A Caen, la Division des archives des victimes des conflits contemporains conserve des milliers de dossiers sur des vies interrompues par la guerre. C'est là que commencent mes recherches.

Carnet de recherche
3 min ⋅ 29/10/2025

Il y a un côté un peu “shopping compulsif” quand on glisse dans son panier virtuel des dossiers d’archives en prévision d’une consultation en salle.

Tiens, j’ai déjà croisé ce nom dans une autre archive.

Tiens, ce fonds concerne la période sur laquelle je travaille.

Tiens, les dates et les les lieux concordent : ça peut m’intéresser.

Et parfois ce “ça peut m’intéresser” se transforme en vraie découverte.


C’est ce qui s’est produit il y a bientôt cinq mois, quand j’ai sauté dans un train pour consulter dix dossiers individuels à la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), à Caen. Ce satellite du Service historique de la Défense (qui conserve les archives issues des ministères chargées des affaires militaires et dont le site principal est au Château de Vincennes) est niché au sein d’une base militaire installée dans un ancien monastère du XVIIe siècle d’une petite rue derrière l’Abbaye aux Hommes.

Pour celles et ceux armés de patience - il faut compter deux mois pour une réponse, mais c’est le jeu de la recherche archivistique - c’est une mine d’or pour tenter de retracer des trajectoires individuelles en particulier celles de victimes civiles de la Seconde Guerre mondiale. Car si par “conflits contemporains”, il faut entendre Première et Seconde Guerre mondiales, guerre d’Algérie, guerre d’Indochine et guerre de Corée, au moins 90 % des 20 kilomètres linéaires d’archives conservées à Caen sont relatives à la Seconde Guerre mondiale, selon Alain Alexandra, le responsable de la DAVCC.

On y trouve des documents du ministère des Anciens combattants et victimes de guerre pour identifier les victimes, leurs familles et les indemniser. “Direction de l’absent”, “non-rentré”, les termes bureaucratiques que l’on découvre au fil des liasses de papiers jaunis disent beaucoup du vide qu’ils entourent.



C’est justement dans cette typologie de documents qu’il est presque le plus intéressant d’aller cueillir des éléments sur l’histoire des familles.

Parfois les dossiers sont vides ou presque : quelques formulaires dont aucune ligne n’a été complétée. Bien sûr, il y a un sentiment de frustration de ne pas récolter d’éléments concrets, une description physique, les circonstances d’une disparition, les mots d’un parent. Mais dans ce vide, on comprend dans certains cas qu’aucune démarche n’a été entamée par la famille du disparu.

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Par Mélissa Boufigi

Journaliste et autrice, j’ai travaillé quinze ans en presse quotidienne (Le Parisien et Ouest-France en particulier). Récemment diplômée de l’École nationale des chartes en histoire des familles et généalogie, je travaille sur les archives, la mémoire et la manière dont les trajectoires individuelles éclairent l’Histoire. J’ai notamment publié Le dernier témoin d’Oradour-sur-Glane (HarperCollins, 2022).